Cet ouvrage, publié en 2022 par les éditions ATDQM, est un recueil de témoignages de personnes en situation de grande pauvreté qui racontent leur parcours scolaire, celui de leurs enfants, et leur regard sur l’école.
Comment apprendre quand les enseignant·es te stigmatisent ? Comment travailler sans ordinateur pendant le confinement ? Comment faire tes devoirs quand tes parents sont illettré·es, malades, incarcéré·es ou décédé·es ? Comment dialoguer avec les professeur·es quand iels vous prennent de haut parce que vous n’êtes pas CSP+ ?

Qu’est-ce que je pense de l’école ? Il y a trop d’injustice, il faut que ça change. Quand tu vois que Rudy, en dernière année de collège, s’était fait renvoyer une semaine d’un cours parce qu’il n’avait pas l’argent pour acheter la calculatrice Casio. Devant tout le monde, il a été exclu du cours. La Casio coûtait déjà à cette époque-là énormément cher (p. 80).

    Malgré ses valeurs prétendument républicaines, l’école reste classiste, raciste, inégalitaire, exclusive, humiliante. Elle met les enfants en difficulté dans des SEGPA et des formations professionnalisantes qui ne leur plaisent pas ou qui ne sont pas adaptées. Rares sont les personnes interviewées qui ont choisi leur scolarité et leur métier !
A rebours de ce que la société avait prédit pour elleux, les parents qui témoignent dans cet ouvrage s’investissent dans l’éducation de leurs enfants, afin qu’iels aient le meilleur. La plupart d’entre elleux participent aux activités d’ATD Quart Monde, comme l’expérimentation CIPES (Choisir l’inclusion pour éviter la ségrégation).
   

C’est sûr que nos filles auront plus de chances que nous de réussir à l’école parce qu’on est derrière. Je ne veux pas dire qu’elles seront obligées de faire de grandes écoles ni d’être médecin ou avocat. Elles feront ce qu’elles veulent. On veut seulement qu’elles aient le choix de leur métier alors que, nous, on ne l’a pas eu. Je veux que si une de mes filles veut faire médecin, elle puisse être médecin, si elle veut être mécanicienne, qu’elle le soit. Qu’elle ait le choix (p. 90).

   

Des témoignages rares, émouvants, parfois dérangeants, qui révèlent la violence du système scolaire actuel, l’exclusion dès les plus jeune âge des enfants hors normes, notamment les plus pauvres, les Voyageur·ses, les handicapé·es.

   

Je pense que c’est la précarité qui fait que nous sommes différents. Nous ne sommes pas aux normes. Il faut que le papa et la maman travaillent et que l’argent tombe. Il faut avoir l’intelligence, le savoir, s’exprimer correctement. Dans ce cas, c’est bon, vous avez votre place. Mais dès qu’il n’y a pas d’argent, que vous êtes au RSA, que vous habitez un quartier où les maisons sont délabrées, ça y est, vous avez une étiquette sur le dos et vous l’avez pour longtemps.
Pour faire partie de la citoyenneté en France, il faut être comme les autres, ne pas vivre dans la misère ni dans la précarité. Les gens ne réfléchissent pas que c’est la place qu’on nous laisse dans la société qui fait que l’on est comme on est (p. 114).

   

La pauvreté, l’illettrisme, l’échec scolaire, l’orientation subie ne sont pas une fatalité. Si vous travaillez avec des enfants, cet ouvrage est pour vous !!

Lysiane